Revirement de jurisprudence sur la question de la nullité des décisions sociales d’une SAS adoptées en violation des clauses statutaires

Aux termes de l’article L. 227-9 du Code de commerce, les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient. Le dernier alinéa prévoit que « les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ». La question s’est alors posée de savoir si la décision collective adoptée en violation des règles statutaires qui définiraient, comme l’autorise l’article L. 227-9, les modalités d’adoption encourent la nullité. En effet, l’article l. 235-1 du code de commerce délimite strictement les causes de nullité des actes et délibérations sociales, en énonçant qu’elle ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative ou des lois qui régissent les contrats.

Dans un premier temps, la Cour de cassation a adopté une approche restrictive et considéré, dans un célèbre arrêt Larzul 1 du 18 mai 2020 (Cass. com., n° 09-14.855), « qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce que la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du même code ou des lois qui régissent les contrats ; que, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n'est pas sanctionné par la nullité ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ». En d’autres termes, la violation d’une clause statutaire n’entraînait la nullité de la décision sociale que s’il était démontré que cette clause aménageait elle-même une disposition impérative, ce qui était alors ambigüe dans la mesure où une disposition impérative, à l’inverse de la disposition supplétive, ne souffre guère d’aménagement. 

Puis, dans un second temps, par cet arrêt Larzul 2 (Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324), la Haute juridiction a procédé à un revirement de jurisprudence. Elle a considéré que l’alinéa 4, de l’article L. 227-9 du Code de commerce, doit être lu comme visant les décisions prises en violation des clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant d’annuler la décision sociale. Se trouve ainsi admise la nullité des décisions sociales adoptées en violation d’une clause statutaire, solution qui pouvait de surcroît être justifiée au titre des causes de nullité des contrats en général dès lors que la force obligatoire des statuts et la hiérarchie des normes conventionnelles l’autorisent. 

Toutefois, afin de ne pas créer une insécurité excessive, et compte tenu des effets particulièrement dévastateurs de la nullité des décisions sociales, la Cour de cassation ajoute un tempérament puisque le même arrêt précise que si la nullité est encourue, c’est à la condition qu’il soit démontré que la violation des statuts a été de nature à influer sur le résultat du processus de décision. Dès lors, le débat devrait se trouver, désormais, reporté sur la question de savoir s’il y a eu une incidence, ou non, de la violation de la clause statutaire. peut-être eut-il été plus opportun, pour la Haute juridiction, de reconnaître expressément un pouvoir d’appréciation des juges du fond et de consacrer le caractère facultatif de la nullité en droit des sociétés. 

Précisions relatives au point de départ d’une action en responsabilité intentée à l’encontre d’un gérant par les tiers

Par un arrêt du 24 janvier 2024 (Cass. com., 24 janv. 2024, n° 22-13.230), la Haute juridiction a apporté d’utiles précisions sur l’action en responsabilité intentée à l’encontre d’un dirigeant par les tiers. Il faut rappeler que les tiers sont tenus, en cas de préjudice causé, d’agir en responsabilité à l’encontre de la société. Par exception cependant, s’ils démontrent une faute détachable des fonctions, les tiers peuvent également agir en responsabilité à l’encontre du dirigeant.

A cet égard, l’article L. 223-22 du Code de commerce dispose que les gérants de sociétés à responsabilité limitée sont responsables envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à ces sociétés, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. En l’espèce, une société, représentée par ses gérants, a cédé à un acquéreur un portefeuille de clientèle, matérialisé par un fichier informatique. Cette cession a été annulée au motif que, portant sur un fichier informatisé non déclaré à la CNIL, son objet était illicite et l’a condamné à restituer le prix de vente. L’acquéreur, alléguant que les gérants avaient commis des fautes séparables de leurs fonctions en ne procédant pas à la déclaration à la CNIL, ont également assigné en paiement de dommages intérêts.

Cependant, une telle action, selon l’article L. 223-23 du même code, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation. La Haute juridiction précise alors, dans l’arrêt commenté, que la dissimulation du fait dommageable suppose un comportement intentionnel du gérant et ne saurait donc se déduire du seul défaut d’information de celui qui agit en responsabilité.

En l’espèce, la Cour d’appel a considéré que les dirigeants avaient été négligents en ne déclarant pas à la CNIL le fichier cédé, mais qu’il n’était pas établi qu’ils avaient connaissance de ce que ce fichier était soumis à déclaration, de sorte qu’il n’était pas établi qu’ils aient intentionnellement dissimulé à l’acquéreur cette information ou le fait qu’ils n’avaient pas procédé à une telle déclaration. Il s’en déduit que l’action en responsabilité a commencé à courir à la date de la vente, solution confirmée par la Cour de cassation. Ainsi, l’action en responsabilité intentée à l’encontre du dirigeant, au regard du régime de la prescription, déroge au droit commun qui prévoit que le délai de prescription quinquennale court à compter du jour où le titulaire de l’action connaissait, ou ne pouvait ignorer, son existence, de sorte qu’il n’est en principe aucunement besoin de démontrer un acte de dissimulation. 

La prorogation d’une société peut intervenir, sous certaines conditions, postérieurement à l’arrivée du terme

En principe, l’arrivée du terme du contrat de société entraîne la dissolution de plein droit (C. civ., art. 1844-7, 1°). L’article 1844-6 du Code civil, alinéa 2, prévoit alors qu’ « un an au moins avant la date d’expiration de la société, les associés doivent être consultés à l’effet de décider si la société doit être prorogée ». La prorogation doit être décidée à l’unanimité des associés ou, si les statuts le prévoient, à la majorité prévue pour la modification de ceux-ci. Ainsi, la prorogation doit, en principe, être expresse et ne peut pas résulter de la poursuite de l’activité de la société par ses associés après le terme.

Toutefois, la loi Soilihi, du 19 juillet 2019, a introduit à l’article 1844-6, alinéa 4, du Code civil une procédure permettant de proroger la société après son terme. En effet, ladite disposition énonce désormais que « lorsque la consultation n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois, le cas échéant en désignant un mandataire de justice chargé de la provoquer. Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par la société ainsi prorogée ».

Par un arrêt du 30 aout 2023 (Cass. com., 30 aout 2023, n° 22-12.084), la Cour de cassation a eu à se prononcer pour la première fois sur l’application de cette procédure nouvelle. En l’espèce, un groupement foncier agricole (GFA) avait été constitué le 12 octobre 1979 pour une durée de 40 ans. Les membres du groupement auraient dû être consultés avant le 12 octobre 2018 afin de délibérer sur sa prorogation éventuelle, mais aucune assemblée n’a été tenue en ce sens. Par ordonnance du 14 octobre 2020, sur la requête présentée par le gérant, le président d’un tribunal judiciaire a constaté l’intention des associés de proroger la société et autorisé la consultation de ceux-ci, à titre de régularisation, dans un délai de trois mois, sans qu’il y ait lieu de désigner un mandataire judiciaire. L’un des associés a sollicité la rétractation de cette ordonnance. Cette demande a été rejetée par les différentes juridictions mais la Cour de cassation a apporté deux précisions.

D’abord, elle précise que lorsque les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu’ils fixent, il suffit au président de constater que des associés représentants au moins cette majorité ont l’intention de proroger la société. A défaut, l’unanimité s’applique.

Ensuite, la Cour de cassation précise qu’il est sans emport que les associés aient omis, ou non de bonne foi, de proroger la société dont le terme est arrivé à l’échéance. Le texte de l’article 1844-6 du Code civil prévoit que le juge peut statuer quelle que soit la raison pour laquelle la consultation des associés à l’effet de décider si la société doit être prorogée n’a pas eu lieu.

Cette souplesse est bienvenue dès lors qu’elle permet d’obvier les effets désastreux d’une dissolution de plein droit automatique. Il convient cependant, pour les associés, de se montrer vigilant dans la mesure où la seule poursuite du contrat de société ne saurait suffire. Celle-ci est un élément nécessaire, mais non suffisant, pour obtenir la prorogation puisqu’il faut de surcroît agir dans un bref délai pour obtenir sa reconnaissance. 

Revirement de jurisprudence s’agissant de la reprise des actes accomplis au bénéfice de la société en formation

Il résulte de l’article L. 210-6 du Code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au RCS. Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.

La jurisprudence soumettait alors la reprise des actes passés en cours de formation à un certain formalisme : il était nécessaire que les engagements soient expressément souscrits « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation, et étaient nuls, de nullité absolue, les actes passés « par » la société, même s’il ressort des mentions de l’acte ou des circonstances que l’intention des parties était que l’acte soit accompli en son nom ou pour son compte.

Par trois arrêts publiés, la Cour de cassation a toutefois opéré un revirement de jurisprudence (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-12.865 ; Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-21.623 ; Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-12.295). En effet, elle admet que l’acte conclu « par » une société en cours de formation n’est pas nécessairement nul et qu’il appartient aux juges du fond de rechercher si, dans la commune intention des parties, l’acte était bien souscrit au nom et pour le compte de la société en cours de formation et qu’il était soumis au régime de la reprise. Pour cela, la Haute juridiction précise qu’il faut se référer à l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques qu’extrinsèques. 

Encore faut-il rappeler que, dans l’hypothèse d’un contrat conclu pour le compte d’une société en formation, les formes de la reprise doivent être de surcroît respectées. A cette fin, il existe trois formes de reprises des actes conclus pour le compte d’une société en formation.

En premier lieu, s’agissant des actes passés avant la signature des statuts, la reprise est automatique s’ils sont recensés précisément dans un état annexé aux statuts ou mentionnés avec la même précision dans les statuts. La signature de ceux-ci emporte vaut ratification des engagements antérieurs dès l’immatriculation.

En deuxième lieu, s’agissant des actes conclus entre la signature des statuts et l’immatriculation, la reprise est automatique s’ils ont été accomplis en vertu d’un mandat accordé par les associés à l’un d’eux, soit dans les statuts, soit par acte séparé. Là encore, l’immatriculation emporte reprise des engagements conclus pour le compte de la société en vertu de ce mandat, lequel ne doit être ni général (Cass. com., 14 nov. 2006, n° 05-16.527) ni implicite (Cass. 2ème civ., 10 sept. 2009, n° 08-15.882).

En tout état de cause, la reprise peut intervenir postérieurement à l’immatriculation, quelle que soit la date à laquelle il a été conclu, en vertu d’une décision spéciale prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés. Cette forme permet ainsi de reprendre les actes passés pour le compte d’une société en formation lorsque, par exemple, le mandat était trop général ou implicite.

Utiles rappels sur le préjudice réparable en cas de rupture abusive des pourparlers précontractuels

Aux termes de l’article 1112 du Code civil, la rupture des négociations précontractuelles est libre et ne constitue pas, en elle-même, une faute de son auteur. Cependant, le principe de liberté trouve sa limite, ainsi que l’énonce la même disposition, dans les exigences de bonne foi auxquelles doivent impérativement satisfaire les parties. Il en résulte qu’une partie peut voir sa responsabilité civile extracontractuelle engagée, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, s’il apparaît qu’elle a trahit, au cours des négociations, la confiance légitime de son partenaire. Il en va ainsi, notamment, lorsqu’il apparaît qu’un partenaire a entamé ou poursuivi des négociations de façon artificielle sans avoir l’intention de conclure le contrat, ou encore qu’il a rompu, sans motif légitime, des négociations particulièrement avancées. Dans l’hypothèse où la rupture des pourparlers est qualifiée d’abusive, le préjudice réparable doit alors être soigneusement circonscrit. En effet, depuis le célèbre arrêt Manoukian (Cass. com., 26 nov. 2003, n° 00-10.243 et n° 00-10.949), il est acquis que ne sauraient être inclus dans le préjudice réparable les avantages que permettait d’espérer la conclusion du contrat, y compris la perte de chance de réaliser les gains attendus du contrat.

C’est précisément cette solution qui vient d’être réaffirmée par un arrêt du 5 juin 2024 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 23-14.904). En l’espèce, une société en a poursuivi une autre en paiement de dommages intérêts à la suite de la rupture par celle-ci des pourparlers de vente d’un fonds de commerce qu’elles avaient engagés. La Cour d’appel a fait droit à la demande d’indemnisation et condamné l’auteur de la rupture, vendeur du fonds, à payer la somme de 90 000 euros de dommages et intérêts au motif qu’il y avait une perte de chance d’acquérir le fonds de commerce a des conditions économiques satisfaisantes pour s’implanter dans un quartier commerçant réputé de la capitale.

Cet arrêt est alors, ainsi qu’il était prévisible, censuré par la Cour de cassation au visa de l’article 1112 du Code civil, selon lequel “en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d’obtenir ces avantages”. Peut être la solution eut-elle été différente si le préjudice allégué par le demandeur ne résidait pas dans la perte de chance d’obtenir le fonds de commerce objet des négociations, mais la perte de chance de contracter avec un tiers, à condition toutefois d’apporter la démonstration de sa réalité.

Le sort du bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

Par un arrêt du 12 juin 2024 (Cass. com., n° 22-24.177), la Cour de cassation a énoncé qu’ “il résulte de l’article L. 622-14,2°, du code de commerce rendu applicable au redressement judiciaire par l’article L. 631-14 du même code et de l’article R. 622-13, alinéa 2, rendu applicable au redressement judiciaire par l’article R. 631-20, que le juge-commissaire, saisi par le bailleur d’une demande de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, doit s’assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, doit s’assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture demeurent impayés”. En conséquence, elle a approuvé une Cour d’appel qui, après avoir constaté que le débiteur avait payé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective le même jour que la saisine du juge-commissaire, a retenu que la créance de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective était éteinte et ne pouvait justifier la résiliation du bail commercial.

La solution est particulièrement intéressante en ce qu’elle apporte des précisions qui n’allaient pas nécessairement de soi. En effet, il convient de rappeler que l’article L. 622-14 du Code de commerce précise seulement que la résiliation du bail commercial peut intervenir pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement. Restait donc en suspens la question de savoir si une régularisation pouvait intervenir une fois le délai de trois mois écoulé.

D’abord, la jurisprudence a considéré comme autonome la résiliation sur le fondement de l’article L. 622-14 du Code de commerce par rapport à celle, de droit commun en matière de bail commercial, régie par l’article L. 145-41 du Code de commerce. Aussi la Cour de cassation a déjà pu énoncer que le “juge-commissaire doit se borner à constater la résiliation”. Aussi aurait-il pu être soutenu que la résiliation opère de plein droit dès lors que des loyers, fût-ce une partiellement, demeurent impayés au terme du délai de trois mois.

Ensuite, la Cour de cassation aurait pu retenir la solution de la Cour d’appel de Paris qui a déjà pu considérer que le défaut de paiement des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture doit être établi au jour de l’introduction de la requête et que ce défaut de paiement constitue une condition de fond de la résiliation. Ainsi, si au jour de la requête les loyers échus postérieurement à l’ouverture de la procédure et demeurés impayés ont été réglées, la résiliation du bail ne peut être prononcée par le Juge” (CA Paris, pôle 5, ch. 9, 22 sept. 2022, n° 21/14862).

La Cour de cassation n’a retenu ni la première - qui consiste à admettre que la résiliation s’impose dès lors que des loyers sont impayés au terme des trois mois - ni la seconde - qui consiste à admettre que la résiliation s’impose si des loyers sont impayés au jour de la requête du bailler - de ces solutions. Par son arrêt, la cour de cassation admet que la résiliation du bail commercial ne s’impose que si des loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective sont impayés au jour où statue le juge-commissaire. Cette solution, qui ne repose sur aucun argument juridique déterminant, dès lors que les conditions légales sont imprécisément déterminées, est particulièrement favorable à l’entreprise en difficulté. Celle-ci bénéficie en effet d’un délai supplémentaire puisque la résiliation supposera, d’une part, qu’une requête soit introduite par le bailleur et, d’autre part, que le juge-commissaire statue, ce qui, compte tenu des contraintes processuelles et du respect du contradictoire, peut prendre un temps certain.

L’interprétation du contrat

Cet article revient sur les règles d’interprétation à appliquer lorsqu’une clause contractuelle se révèle imprécise.

L’interprétation du contrat consiste à déterminer le sens et la portée des obligations contractées. Elle présente un intérêt fondamental dans la mesure où, indirectement, elle peut conduire à modifier le contenu du contrat. Il peut, par exemple, être question dans un cas pratique du sens à retenir d’une clause contractuelle débattue entre les parties. Aussi le Code civil fournit-il des directives d’interprétation qu’il convient d’appliquer (II) sous réserve de ne pas dénaturer des clauses claires et précises (I).

I. L’interdiction de la dénaturation

Il convient de rappeler que le contenu du contrat est librement déterminé par les parties. Il ne s’agit que de l’une des composantes de la liberté contractuelle que le juge est tenu de respecter. Sous couvert d’en interpréter le sens, le juge ne saurait donc s’immiscer dans le contrat. Il en résulte la conséquence fondamentale de l’interdiction, pour ce dernier, d’interpréter des clauses claires et précises à peine de dénaturation (C. civ., art. 1192).

C’est dire, à l’inverse, qu’une clause est susceptible d’interprétation qu’à la condition qu’il soit démontré, préalablement, qu’elle est suffisamment obscure ou imprécise. Le cas échéant, l’interprétation du contrat par le juge suppose de se conformer aux directives générales suivantes.

II. Les directives générales d’interprétation

Lorsque le caractère obscur d’une clause rend nécessaire son interprétation, trouvent à s’appliquer les prescriptions de l’article 1188 du Code civil. Il s’infère de cette disposition que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties sans s’en tenir au seul sens littéral des termes. Ainsi est consacrée l’interprétation dite « subjective » en ce sens que l’esprit des contractants est privilégié à la lettre du contrat. En d’autres termes, cette méthode privilégie la volonté réelle sur la volonté apparente des contractants. En application de celle-ci, le juge devra donc s’appuyer sur l’ensemble des éléments dont il dispose pour éclairer le sens des stipulations contractuelles, tels les relations antérieures des parties ou leurs comportements.

À défaut pour le juge de parvenir à déceler la commune intention des parties, l’alinéa second de l’article 1188 du Code civil lui permet d’interpréter le contrat « selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation ». Autrement dit est consacrée une interprétation dite « objective » et à titre subsidiaire du contrat, à savoir l’interprétation que retiendrait une « personne raisonnable » étant « dans la même situation ».

Quelle que soit la méthode retenue, la loi fournit plusieurs directives afin que le juge puisse déceler la commune intention des parties :

D’abord, toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier (C. civ., art. 1189, al. 1) ;

Ensuite, lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à la réalisation d’une même opération, tous s’interprètent en fonction de celle-ci (C. civ., art. 1189, al. 2).

Enfin, en présence d’une clause susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun (C. civ., art. 1191). Ainsi convient-il d’interpréter la clause susceptible de deux significations – l’une stérile, l’autre utile – dans le sens qui lui fait produire un effet. Cette directive semble justifiée par l’idée que la commune intention des parties était de conférer aux stipulations un effet.

III. Les directives particulières de protection

Par ailleurs, l’article 1190 du Code civil regroupe deux directives invitant à une interprétation du contrat favorable à l’une ou l’autres des parties, à savoir que, « dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé ». Ainsi faut-il distinguer selon la nature du contrat :

Face à des contrats de gré à gré, l’interprète d’une clause – sous réserve qu’elle soit suffisamment imprécise – doit privilégier le sens le plus favorable au débiteur. L’idée sous-jacente est que celui qui contracte un engagement, le débiteur, est présumé dans une situation d’infériorité par rapport à celui qui en bénéfice, le créancier.

Face à des contrats d’adhésion, l’interprète d’une clause doit, cette fois, retenir le sens le plus favorable à l’adhérent. Si l’adhérent est également le débiteur de la clause obscure, la solution sera alors identique à celle retenue en matière de contrat de gré à gré. Si, en revanche, l’adhérent est le créancier de la clause litigieuse, alors la directive de l’article 1190 du Code civil permet de parvenir à une solution différente. Aussi l’enjeu peut-il être important et le débat âpre sur la qualification de contrat d’adhésion.

En tout état de cause, il convient de garder à l’esprit que ces deux règles d’interprétation, lesquelles reposent sur l’équité, ne s’appliquent que s’il a été impossible de déceler la commune intention des parties ou encore d’identifier le sens que donnerait une personne raisonnable à la clause. En d’autres termes, afin d’éviter que les règles d’interprétations ne permettent, pour des raisons d’équité, de contredire ce qu’ont voulu les parties, elles ne doivent être employées que de façon subsidiaire.


 

La durée du contrat

Cet article revient sur la durée que peut présenter un contrat et les conditions dans lesquelles il peut être résilié par l’un des contractants.

Certains contrats se forment et s’exécutent en un trait de temps. En effet, pour la plupart des contrats de la vie quotidienne, l’exécution suit immédiatement la conclusion : formé par l’accord des volontés, le contrat s’éteint par la réalisation de son objet. Il peut néanmoins s’agir d’un contrat à exécution successive, défini par l’article 1111-1 du Code civil comme « celui dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps ». Par exemple, sont des contrats à exécution successive le contrat de travail, le contrat de bail, le contrat de location… S’agissant de leur durée, les contrats à exécution successive se subdivisent en contrats à durée indéterminée, auxquels il faut assimiler les engagements perpétuels, et les contrats à durée déterminée. Selon la qualification retenue, le régime de la rupture du contrat sera différent. Aussi convient-il d’examiner successivement les engagements perpétuels (I), les contrats à durée indéterminée (II) et ceux à durée indéterminée (III).

I. La prohibition des engagements perpétuels

Un engagement est qualifié de perpétuel lorsqu’il dépasse la durée habituelle d’une vie humaine, ou encore qu’il excède la durée moyenne de la vie professionnelle. L’appréciation peut alors être différente selon qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale. Par exemple, est qualifiée de perpétuelle la clause dont la mise en œuvre contraint le preneur de matériel informatique à accepter la reconduction systématique du contrat à durée déterminée (Cass. com., 11 mai 2022, n° 19-22.015). En d’autres termes, il s’infère de la jurisprudence que l’interdiction des engagements perpétuels s’applique aux contrats si longs qu’ils entravent, de fait, la liberté du contractant.

L’article 1210 du Code civil énonce le principe de la prohibition des engagements perpétuels ainsi que sa sanction : « les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée déterminée ».

Ainsi, il convient de ne pas se méprendre sur la portée de la prohibition des engagements perpétuels. Le contrat n’est pas nul, il sera uniquement requalifié en contrat à durée indéterminée. Partant, chacune des parties pourra y mettre fin unilatéralement sous réserve de respecter un délai de préavis contractuel ou raisonnable.

II. Le contrat à durée indéterminée

Le contrat à durée indéterminée est un contrat à exécution successive conclu sans terme extinctif.

En raison de la prohibition des engagements perpétuels et afin de protéger la liberté, le contrat à durée indéterminée implique le pouvoir pour chacun des contractants de se dégager unilatéralement (C. civ., art. 1211). Il n’est aucunement requis que l’auteur de la rupture motive sa décision de rompre le contrat, et encore moins qu’il justifie d’une inexécution contractuelle de la part de son cocontractant. Il s’agit d’une règle d’ordre public de sorte que toute clause contraire doit être réputée non écrite. Toutefois, la faculté de résiliation unilatérale est encadrée :

D’abord, chaque partie peut y mettre fin à tout moment « sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable ». À défaut, le cocontractant pourra engager la responsabilité civile contractuelle de l’auteur de la rupture et solliciter la réparation de son préjudice, lequel consiste non dans la rupture du contrat lui-même, mais dans le fait qu’il ne soit pas allé au terme du délai de préavis imparti ;

Ensuite, les contrats doivent être exécutés de bonne foi (C. civ., art. 1104). Partant, un contractant qui userait de la faculté de résiliation unilatérale dans le but de nuire à l’autre engagerait sa responsabilité contractuelle.

III. Le contrat à durée déterminée

Le contrat à durée déterminée est un contrat dont les parties ont fixé un terme extinctif. Le plus fréquemment, le terme est certain en ce qu’il correspond à une date déterminée ou à l’écoulement d’un certain délai. Mais le terme peut également être incertain, en ce sens qu’il peut désigner un évènement dont la réalisation est certaine dans son principe mais dont le moment précis est inconnu. 

A.    La résiliation unilatérale anticipée

Lorsque le contrat est à durée déterminée, il doit être exécuté jusqu’à son terme (C. civ., art. 1212). Il s’agit d’une conséquence de la force obligatoire du contrat et de l’article 1193 du Code civil selon lequel « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ». Au cas où l’un des contractants cesserait d’exécuter ses obligations, l’autre pourrait alors mettre en œuvre les sanctions contractuelles et solliciter, par exemple, l’exécution forcée ou engager la responsabilité civile contractuelle.

B. L’extinction du contrat à l’arrivée du terme

À l’arrivée du terme, le contrat à durée déterminée s’éteint sans que l’une des parties n’ait à en avertir l’autre. Aucune obligation de continuer le contrat ne pèse sur elles : le principe de liberté contractuelle implique celui de ne pas s’engager de nouveau dans le contrat. L’article 1212 du Code civil énonce alors expressément que « nul ne peut exiger le renouvellement du contrat ». Aussi, la partie qui ne souhaite pas poursuivre le contrat n’a pas, en principe, à motiver sa décision.

Encore convient-il de préciser, d’une part, que la loi impose parfois le renouvellement et, d’autre part, que celui qui a fait naître chez l’autre l’espérance légitime d’un renouvellement pourrait voir sa responsabilité civile engagée sur le fondement de la rupture abusive des pourparlers.

C. La poursuite du contrat au-delà du terme

À l’arrivée du terme, il est également possible que les parties entendent prolonger le contrat. La prolongation du contrat peut alors prendre la forme d’une prorogation (1) ou d’un renouvellement (2). Il convient, le cas échéant, d’être vigilant dans la mesure où les conséquences attachées à chacune de ces formes sont différentes.

1. La prorogation du contrat

La prorogation du contrat consiste à prolonger le même contrat, en substituant au terme initialement stipulé une date ultérieure. En d’autres termes, la prorogation procède d’une modification du contrat quant à sa durée.

L’article 1213 du Code civil prévoit alors que « le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration ». En pratique, la prorogation peut être automatique et résulter d’une clause du contrat initial prévoyant qu’il sera prorogé en cas de survenance de tel ou tel évènement. Elle peut encore procéder d’un nouvel accord de volontés entre les parties, lequel devra nécessairement intervenir avant la survenance du terme puisque, dans le cas contraire, le contrat s’éteint automatiquement.

Quant à ses effets, la prorogation appelle trois remarques :

En premier lieu, puisqu’il s’agit du même contrat, lequel voit simplement sa durée modifiée, la date de formation à prendre considération pour déterminer la loi applicable dans le temps sera celle du contrat initial

En deuxième lieu, il faut préciser qu’en l’absence d’indication par les parties quant à la durée de la prorogation, le contrat prorogé pourra être considéré comme un contrat à durée indéterminée, ce qui le rendra résiliable unilatéralement par chacune des parties.

En dernier lieu, la prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers (C. civ., art. 1213). Cette disposition tend notamment à protéger, d’une part, l’acquéreur d’un immeuble loué qui pourrait pâtir de la prorogation du bail et, d’autre part, la caution qui verrait le risque couvert augmenté avec la durée du contrat garanti.

2. Le renouvellement du contrat

Le renouvellement du contrat vise l’hypothèse où un nouveau contrat, au contenu identique, succède au précédent. Ce renouvellement résulte soit de l’effet de la loi (par exemple en matière de baux commerciaux ou de baux ruraux) soit d’un accord des parties. Quant à ses effets, le renouvellement appelle deux remarques :

D’abord, le fait qu’il s’agisse d’un nouveau contrat implique de le soumettre aux dispositions légales en vigueur au jour du renouvellement et de contrôler que les conditions de validité sont de nouveau réunies. Il s’agit d’une différence essentielle avec la prorogation, laquelle consiste, rappelons-le, dans la modification du même contrat quant à sa durée.

Ensuite, l’article 1214 du Code civil précise que le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. Partant, en cas de renouvellement, le nouveau contrat pourra être résilié unilatéralement par chacune des parties, sous réserve de respecter un délai de préavis raisonnable. Il en ira toutefois différemment lorsque la loi prévoit que le contrat est renouvelé pour une durée déterminée ou lorsqu’une stipulation contractuelle prévoit que le contrat est renouvelé pour une durée précise. Par exemple, les contrats d’abonnements stipulent fréquemment qu’ils se renouvelleront d’année en année.

3. La tacite reconduction

La tacite reconduction renvoie à l’hypothèse dans laquelle les parties continuent d’exécuter les obligations du contrat postérieurement à la survenance du terme. Aux termes de l’article 1215 du Code civil, « Lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ».

Il s’infère donc de la disposition précitée que la tacite reconduction est une forme de renouvellement du contrat, seulement il procède non de la loi ou d’une stipulation contractuelle, mais du comportement des parties qui ont souhaité poursuivre leur relation au-delà de la durée initialement fixée.

 

La procédure de redressement judiciaire

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Par ses finalités, cette procédure se rapproche sensiblement de la sauvegarde, dont elle emprunte de nombreux principes. Elle s’en distingue toutefois dans la mesure où le débiteur se trouve en état de cessation des paiements.

Qui peut solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ?

La procédure de redressement judiciaire est applicable à toute personne physique (entrepreneur individuel) qui exerce une activité commerciale, artisanale, agricole ou encore une activité professionnelle indépendante.

La procédure de redressement est également applicable à toute personne morale de droit privé, c’est-à-dire à toutes les formes de sociétés (société civile, société à responsabilité limitée, société par actions simplifiée…), aux associations ou encore aux groupements d’intérêt économique.

Quelles sont les conditions d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ?

Aux termes de l’article L. 631-1 du Code de commerce, la procédure est applicable au débiteur qui se trouve en état de cessation des paiements et dont le redressement n’est pas manifestement impossible. En premier lieu, l’entreprise doit donc être en état de cessation des paiements, c’est-à-dire être dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Le passif exigible renvoie au passif échu. Il convient de ne pas confondre passif exigible et exigé. En effet, la simple absence de réclamation du paiement est insuffisante pour exclure une dette dans le cadre de l’appréciation du passif exigible. En revanche, le débiteur peut invoquer l’existence d’un moratoire pour établir qu’il n’est pas en état de cessation des paiements.

L’actif disponible correspond à la trésorerie, aux liquidités du débiteur. Sont également pris en compte dans cette catégorie les biens rapidement mobilisables pour obtenir des fonds tels que des titres financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un marché ayant une liquidité suffisante. Sont encore prises en considération les réserves de crédit accordées au débiteur.

La balance entre le passif exigible et l’actif disponible : le débiteur doit être dans l’impossibilité de « faire face » avec l’actif disponible au passif exigible, c’est-à-dire sans utiliser des moyens ruineux ou frauduleux.

Il résulte d’un célèbre arrêt Sodimedical que l’appréciation de l’état de cessation des paiements est objective : la question est de savoir si le débiteur est en mesure ou non de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il importe peu, en revanche, de déterminer l’origine de cette situation (Cass. com., 3 juill. 2012, n° 11-18.026).

Ainsi définie, la cessation des paiements doit être distinguée :

-          De l’insolvabilité : l’insolvabilité se caractérise par l’impossibilité de faire face à l’ensemble du passif avec l’actif. Aussi doit-elle être distinguée de la cessation des paiements qui peut n’être que temporaire si les actifs du débiteur sont, dans leur majorité, réalisables à long terme.

-          Du refus de paiement : Le refus de paiement ne procède pas nécessairement d’une impossibilité de payer. Partant, la procédure de redressement ne saurait être utilisée comme un moyen de pression par un créancier.

L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s’il n’a pas, dans ce délai, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation. Le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public ou assignation d’un créancier. Ainsi, à la différence de la sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire n’est pas purement volontariste. Surtout, il est indispensable que le dirigeant déclare son état de cessation des paiements puisqu’en cas de liquidation judiciaire ultérieure, sa responsabilité pour insuffisance d’actif, sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de commerce, pourrait être recherchée en raison de sa faute.

Quels sont les avantages de la procédure de redressement judiciaire ?

Plus les difficultés sont traitées rapidement, plus l’entreprise à de chances de redresser la situation. Aussi, avec la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement reste – malgré son caractère obligatoire – une procédure attractive pour le débiteur.

La procédure de redressement judiciaire permet notamment à l’entreprise d’obtenir du temps pour payer ses dettes tout en poursuivant son activité.

En effet, à compter du jugement d’ouverture, les créances antérieures sont soumises au principe d’interdiction des paiements. Ainsi, par exemple, le bailleur d’une entreprise en sauvegarde ne peut réclamer le paiement des loyers pour la période qui précède le jugement d’ouverture. De même, le fournisseur sera contraint de déclarer sa créance au passif, laquelle sera réglée selon les modalités prévues dans le plan de sauvegarde.

Non seulement les créances antérieures n’ont plus à être payées immédiatement, mais surtout les créanciers ne peuvent plus solliciter la résiliation du contrat pour cette raison. Ainsi, ni le bailleur, ni le fournisseur, ni même l’établissement de crédit ne saurait résilier le bail commercial, suspendre les livraisons ou encore dénoncer le contrat de prêt aux m qu’il existerait des échéances impayées. Le redressement – à l’instar de la sauvegarde – est donc un moyen de maintenir un contrat qui apparaît essentiel à l’entreprise. Inversement, si certaines conditions sont remplies, la procédure de redressement judiciaire autorise l’entreprise à se délier de certains engagements qui seraient excessivement onéreux ou inutiles pour elle.

Enfin, la procédure de redressement judiciaire profite elle-aussi aux cautions, garants et coobligés pendant la période d’observation. Ces derniers peuvent ainsi se prémunir face aux actions des créanciers à leur endroit.

Quelle est l’issue de la procédure de redressement ?

Lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être redressée, le tribunal arrête un plan qui met fin à la procédure d’observation. Ce plan, dont la durée peut en principe aller jusqu’à dix ans, prévoit alors les modalités de remboursement des dettes de la société. Ce faisant, les créances antérieures au jugement d’ouverture, ou encore certaines créances postérieures, seront payées selon un nouvel échéancier. Par ailleurs, un plan de cession peut être privilégié.

Par ailleurs, les créanciers qui n’auraient pas déclaré leur créance dans un délai de deux mois à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture ne pourront plus recouvrer, sauf certaines hypothèses, le montant de leur créance.

En définitive, il convient d’inciter les dirigeants à recourir, dès qu’ils rencontrent des difficultés, soit à la procédure de sauvegarde si elle ne se trouve pas en cessation des paiements soit, dans le cas contraire, à la procédure de redressement judiciaire. Non seulement la demande d’ouverture constitue une obligation légale pour le chef d’entreprise, mais surtout elle leur d’obtenir des délais de paiement et de remédier à leurs difficultés de trésorerie, ou encore de protéger les cautions - bien souvent les dirigeants - face aux recours des créanciers.

Entreprise en état de cessation des paiements :

Pourquoi il est parfois inopportun de consentir de nouvelles avances en compte courant d’associé ?

 

Aux termes de l’article L. 631-1 du Code de commerce, une entreprise se trouve en état de cessation des paiements lorsqu’elle se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le dirigeant est alors tenu le cas échéant, dans un délai de 45 jours maximum, de déclarer son état de cessation des paiements aux fins d’ouverture, soit d’une procédure de redressement judiciaire, soit, si une poursuite apparaît manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Afin d’éviter une telle situation, il est fréquent - en pratique - que l’associé dirigeant soutienne la trésorerie de sa société et consente de nouvelles avances en compte courant. Cependant, une telle manœuvre du dirigeant n’est pas sans risque lorsqu’elle n’est accompagnée d’aucune modification structurelle. En effet, selon la jurisprudence la plus récente, l’avance en compte courant ne saurait être prise en considération au titre de l’actif disponible lorsqu’elle constitue un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la trésorerie de la société en dissimulant la persistance de son état de cessation des paiements. Autrement dit, tout crédit artificiel ou anormal, n’est pas de nature à empêcher la caractérisation de l’état de cessation des paiements et ce, alors même qu’il permettrait à la société d’honorer ses dettes. Il est indispensable, pour que l’avance soit de nature à neutraliser l’état de cessation des paiements et dispenser le dirigeant de solliciter l’ouverture d’une procédure collective, qu’elle s’accompagne de mesures permettant de recouvrer un équilibre de façon durable.

C’est dire que l’apport en compte courant d’associé ne permet pas nécessairement d’éviter un état de cessation des paiements. Le risque pour le dirigeant est alors double, puisqu’il sera non seulement tenu de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, mais encore il lui sa souvent demandé d’abandonner sa créance d’avance en compte courant. Pire, en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire qui se clôturerait pour insuffisance d’actif, le dirigeant pourrait être tenu pour responsable, sur son patrimoine personnel, d’avoir retardé l’ouverture de la procédure et ainsi contribué à aggraver le préjudice subi par la société. En conclusion, il convient de bien mesurer en amont les risques d’un nouvel apport en compte courant.

Comment devenir une société de l’économie sociale et solidaire (ESS) ?

 

De plus en plus d’entreprises, animées par une philosophie de production et de consommation plus durable et positive, se revendiquent désormais société de l’économie sociale et solidaire. Quelles sont ces entreprises qui adhèrent aux principes de l’ESS et bénéficient, à ce titre, non seulement de financements publics dédiés (BPI), mais surtout d’une reconnaissance et d’une valorisation auprès du public ?

La loi du 31 juillet 2014 définit l’économie sociale et solidaire comme « un mode d’entreprendre et de développement adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé » qui remplissent diverses conditions cumulatives, à savoir la poursuite d’une utilité sociale, un mode de gouvernance démocratique et certains principes de gestion.

1.La poursuite d’une utilité sociale

En premier lieu, le but poursuivi doit être autre que le seul partage des bénéfices. Plus précisément, il s’infère de l’article 2 de la loi précitée, qu’elles doivent poursuivre une utilité sociale en ayant pour objectif soit :

-          D’apporter leur soutien à des personnes en situations de fragilité soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leurs besoins en matière d’accompagnement social, médico-social ou sanitaire, ou de contribuer à la lutte contre l’exclusion ;

-          De contribuer à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;

-          De contribuer à l’éducation à la citoyenneté et de participer ainsi à la réduction des inégalités sociales et culturelles ;

-          De concourir au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale.

Cette condition de poursuite d’intérêt social est donc particulièrement extensive. A titre d’illustration, satisfont à cette exigence les entreprises qui tendent à lutter contre le gaspillage – par la place donnée aux fruits et légumes « moches », aux vêtements de seconde main, aux livres d’occasion, aux produits reconditionnés tels les acteurs comme Leboncoin, vinted ou Backmarket – le risque d’une fracture sociale – par exemple la société COEQLORE qui a pour objet la prévention, l’accompagnement et la formation des parents en situation de vulnérabilité – et plus largement toutes les entreprises ayant une vocation à la préservation de l’environnement.

2. Une gouvernance démocratique

En deuxième lieu, la société doit être dotée d’une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, dont l’information et la participation n’est pas seulement liée à l’apport en capital de l’associé ou au montant de sa contribution financière.

En pratique, il convient d’instaurer au sein des statuts un comité de l’économie sociale et solidaire, composé de membres qui représente des collèges variés tels que les mandataires sociaux, les associés, les salariés, les professionnels du milieu, les autorités de contrôle, institutions publiques et collectivités territoriales… dont la mission sera de se prononcer à titre indicatif sur toutes propositions du Président de la société ou des associés et plus généralement sur les décisions stratégiques liées à la vie de la société.

3. Le respect de principes de gestion

En dernier lieu, la société qui souhaite appartenir à la catégorie de l’économie sociale et solidaire doit adopter statutaire certains principes de gestion, notamment le prélèvement d’une fraction des bénéfices de l’exercice au profit de réserves et l’interdiction – sous certaines réserves – pour la société d’amortir le capital et de procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes.

Lorsque la société a adapté, soit lors de sa constitution, soit par suite d’une modification en assemblée générale extraordinaire, ses statuts afin de se conformer aux prescriptions légales, il lui appartient d’adhérer expressément aux principes de l’économie sociale et solidaire afin d’obtenir cette mention sur son Kbis.

L’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS)

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire a forte utilité sociale peuvent également solliciter l’agrément ESUS qui permet l’accès au financement de l’épargne solidaire et attire des investisseurs qui bénéficient, en contrepartie, de dispositifs particuliers de réduction d’impôt.

Pour être éligible à l’agrément ESUS, la société doit en outre encadrer, par ses statuts, la politique de rémunération de ses dirigeants. En effet, la moyenne des sommes versées, y compris les primes, aux cinq salariés ou dirigeants les mieux payés ne doit pas excéder un plafond annuel fixé à sept fois le smic. Également, la rémunération versée au salarié le mieux payé ne doit pas excéder un plafond annuel fixé à dix fois le smic.  

 

En définitive, l’appartenance d’une société à la catégorie de l’économie sociale et solidaire lui confère, outre l’accès à des financements avantageux, une reconnaissance juridique dont elle peut se prévaloir auprès de son public.

Pour pouvoir revendiquer ce statut, il n’est aucunement exigé que l’entreprise abandonne tout but lucratif. Il est seulement exigé que la lucrativité passe par une activité d’utilité sociale, intègre l’ensemble des parties prenantes et ne soit pas confisquée abusivement par les seuls associés au détriment des salariés.

Cession de titres sociaux et sort du cautionnement de la société :

De la nécessité pour le cédant d’exiger une substitution de caution ou un sous-cautionnement du cessionnaire

 

Bien souvent l’associé dirigeant qui s’est porté caution de sa société croit être libéré, lorsqu’il cède ses titres, de ses engagements à l’égard de l’établissement de crédit.

Pourtant il n’en est rien, la cession de parts sociales ou actions étant sans incidence sur le cautionnement.

Ainsi, de façon particulièrement inique, une banque est parfaitement fondée à exiger d’une caution le paiement des échéances dues en cas de défaillance de la société et ce, alors même qu’elle a cédé quelques années auparavant ses titres et qu’elle n’entretient plus aucun lien avec elle.

Pour éviter un tel risque, le cédant peut recourir soit à la substitution de caution, soit au mécanisme du sous-cautionnement.

La substitution de caution, comme son nom l’indique, consiste à remplacer le cédant par le cessionnaire dans l’engagement de caution souscrit à l’égard du créancier. Ainsi, le cédant est complètement déchargé de la qualité de caution et des obligations y afférentes, lesquelles incombent désormais au cessionnaire exclusivement. Seulement, la substitution de caution suppose non seulement l’accord du cessionnaire, mais surtout de l’établissement de crédit. Or, en pratique, il est rare que le créancier accepte qu’un autre débiteur, dont la solvabilité n’est aucunement garantie, en lieu et place de celui qui s’est porté initialement caution à son profit. C’est pourquoi le mécanisme de la sous-caution, récemment consacré dans le Code civil, présente un intérêt.

Le sous-cautionnement est défini par l’article 2291-1 du Code civil comme « le contrat par lequel une personne s’oblige envers la caution à lui payer ce que peut lui devoir le débiteur à raison du cautionnement ». A la différence de la substitution de caution, le cédant reste caution de la société à l’égard de l’établissement de crédit. En aucun cas il n’est déchargé et peut toujours être actionné en paiement si la société ne satisfait pas à ses obligations. Cependant, si le cédant demeure tenu, il bénéficie néanmoins de la garantie d’être remboursé par le cessionnaire de l’intégralité des sommes qu’il serait amené à devoir. Evidemment, l’efficacité du sous-cautionnement dépend étroitement de la solvabilité du cessionnaire. Il n’en demeure pas moins un mécanisme protecteur faute d’avoir obtenu l’accord de la banque pour une substitution de cautionnement. En outre, il est possible de multiplier les sous-cautionnements, consentis par les proches du cessionnaire – conjoint, partenaire, associés, parents – qui peuvent s’engager solidairement à rembourser au cédant les sommes qu’il serait amené à payer à l’établissement de crédit au titre de son engagement de caution. La seule difficulté réside alors dans le fait de s’assurer qu’un tel engagement respecte les conditions de validité, tant de fond que de forme, sous peine d’encourir la nullité.

En définitive, la cession de titres sociaux suppose une vigilance particulière lorsque l’associé s’est porté caution de la société à l’égard de tiers. Il est absolument impératif de se prémunir contre les défaillances à venir de la société cédée, soit par une substitution de caution, soit par l’obtention d’un sous-cautionnement.

Assemblée générale de société civile :

Les décisions collectives qui excèdent les pouvoirs du dirigeant doivent, sauf clause statutaire contraire, être prises à l’unanimité à peine de nullité

 

Malgré le développement de la règle majoritaire en droit des sociétés, le principe d'unanimité s’impose pour les décisions les plus graves, telle l'augmentation des engagements des associés ou les actes qui excèdent les pouvoirs du gérant d'une société civile. Cependant, la mise en œuvre de cette règle n’est pas sans susciter quelques difficultés lorsqu’il s’agit d’en identifier le contenu et la sanction. Sur ces points, la Cour de cassation, par son arrêt en date du 5 janvier 2022 (n°20-17.428), apporte d’utiles précisions. En l'espèce, l'assemblée générale d'une société civile immobilière a adopté des résolutions relatives à l'approbation des comptes des exercices 2011 à 2014, au quitus donné aux cogérants, puis à l'administrateur, pour ces exercices, à l'affectation des résultats de l'exercice 2014 et à la rémunération de l'administrateur provisoire. L'un des associés, tirant prétexte de son absence, a alors assigné la société aux fins d'obtenir l'annulation desdites délibérations sociales sur le fondement de l'article 1852 du Code civil, lequel dispose que les décisions qui excèdent les pouvoirs du gérant doivent en principe être adoptées à l'unanimité. Par un arrêt du 27 janvier 2020, la Cour d'appel de Basse-Terre a fait droit à ses demandes, aux motifs que les résolutions auraient du être approuvées à l'unanimité des associés, et non par les seuls associés présents ou représentés à l'assemblée et ce alors même qu'il avait été dûment convoqué. La Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond et rejette le pourvoi intenté par la SCI, considérant, d’une part, que l'unanimité exigée par l'article 1852 du Code civil s'entend effectivement de la totalité des associés de la société et, d’autre part, que la méconnaissance de cette disposition constitue une cause d’annulation des actes et délibérations sociales. Une telle solution doit alors être approuvée sur chacun de ces éléments.

En premier lieu, la Cour de cassation énonce que l’unanimité en droit des sociétés s’entend de l’ensemble des associés de la société. En d’autres termes, le consentement de l’intégralité des associés présents à l’assemblée ne saurait suffire dès lors que l’un d’entre eux est absent et non représenté. Le doute était jusqu’alors permis dans la mesure où l’unanimité pouvait s’entendre comme une simple forme de scrutin, alternative à la majorité, imposée à l’assemblée générale appelée à statuer. La solution retenue s’inscrit toutefois dans la mouvance initiée par le comité juridique de l’ANSA qui avait considéré que l’unanimité, en ce qu’elle consiste à recueillir l’accord de chaque associé individuellement, dans sa relation contractuelle à la société, se différencie de la règle majoritaire qui relève du fonctionnement institutionnel d’un organe sociale (ANSA, comité juridique, avis n° 3219, 8 janv. 2003, Transformation de SA en SAS : l’accord unanime des actionnaires peut-il être recueilli lorsque des actionnaires sont privés du droit de vote ou du droit d’accès aux assemblées générales ?). Également, la Cour d’appel de Versailles avait pris parti en ce sens, jugeant s’agissant d’une transformation d’une SA en SAS, que « l’unanimité visée à l’article L. 227-3 du Code de commerce s’entend nécessairement de la totalité des associés liés par le pacte social et pas seulement des actionnaires présents ou représentés à l’assemblée » (CA Versailles, 12ème ch., sect. 2, 24 févr. 2005, JCP E 590). Une telle analyse de la notion d’unanimité, non seulement conforme aux interprétations déjà retenues, s’avère surtout opportun. En effet, elle confère – avec le droit de participer aux décisions collectives énoncé par l’article 1844 du Code civil qui est d’ordre public – un véritable droit de veto à l’associé qui entend s’opposer à une grave décision. Certes, il pourra être objecté qu’elle est susceptible d’entraver la prise de décision et donc le bon fonctionnement de la société. Néanmoins, cette dernière n’est pas complètement démunie puisqu’elle peut surmonter le refus de voter d’un associé sur le fondement de l’abus de minorité, sous réserve d’établir que la décision est indispensable à l’intérêt social. Après avoir précisé la signification de la règle de l’unanimité en droit des sociétés, il fallait encore déterminer la sanction des décisions sociales adoptées en violation de l’article 1852 du Code civil.

Le risque des nullités en cascade ainsi que celui d’une instrumentalisation par les associés à conduit le législateur à restreindre les causes d’une telle sanction en matière d’actes et délibérations sociales (sur ce point, v. J.-B. Hauguel, Les nullités en droit des sociétés, thèse dactyl. Bordeaux, 2019, ss. la dir. de L. Sautonie-Laguionie). Ainsi, l’article 1844-10 du Code civil, tel que modifié par la loi PACTE du 22 mai 2019, repris à l’identique par l’article L. 235-1 du Code de commerce, dispose que « la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent titre, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833 ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ». Il s’infère de cette disposition que la méconnaissance de l’article 1852 du Code civil ne constitue une cause de nullité qu’à la condition d’établir qu’il s’agit soit d’une disposition impérative, soit d’une disposition du droit des contrats. Selon la Cour de cassation, elle appartient à la première catégorie, eu égard à l’importance de l’unanimité dans le processus d’élaboration des décisions collectives pour les actes graves qui excèdent les pouvoirs d’un dirigeant. La Haute juridiction en déduit alors que la violation de ce principe entraîne nécessairement la nullité des décisions et qu’il en va de même, depuis l’arrêt Larzul (Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-14.855, Bull. Joly soc. 2010, p. 651, note H. Le Nabasque), en cas de méconnaissance d’une clause statutaire qui aménagerait cette disposition impérative. En tout état de cause, force est d’admettre que le respect de l’unanimité relève également, bien que la Cour de cassation n’en fasse pas mention, des dispositions du droit des contrats. En effet, exiger l’unanimité revient à exiger le consentement à l’acte de chaque associé, tel que le requiert l’article 1128 du Code civil. Cette dernière proposition n’est alors pas dénuée d’incidence puisqu’elle permet également de sanctionner par la nullité les décisions modificatives des statuts d’une société commerciale en l’absence de disposition le prévoyant expressément comme l’exige pourtant l’article L. 235-1 du Code de commerce (v. J.-B. Hauguel, note sous arrêt, JCP E 2022, n° 1179).